- bicêtre
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I.⇒BICÊTRE1, subst. masc.Vx. Sort malheureux, infortune :• Et même cette dèche implacable, effroyableOù se débattent mes courages presque en vain,Courage de la soif, courage de la faimEt du froid et du chaud, la faute à qui? Peut-être,— Autant qu'on peut juger de son propre Bicêtre, —Un tantinet à moi, sans compter les amisDe l'un et l'autre sexe, — et quelques ennemis.VERLAINE, Élégies, 1893, p. 65.Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe s. ainsi que dans Lar. 20e et Lar. encyclop.PRONONC. ET ORTH. — Cf. bicêtre2.ÉTYMOL. ET HIST. — Ca 1220 besistre (G. DE COINCY Mir. Vierge, 627, 474 dans T.-L.); 1658 bissêtre (MOLIÈRE, L'Étourdi, V, 5); av. 1685 bicêtre (CHAPELLE, Placet au comte de Lude, pièce 14 dans QUEM.) inus. d'apr. LITTRÉ; maintenu dans les dial., notamment du Centre : bissètre (JAUB.), lyonn. (DU PUITSP.), norm. bissieutre (MOISY).Du lat. impérial bis(s)extu(m), v. bissexte, qui a pris en lat. médiév. le sens de « malheur » (cf. ORDERIC VITAL, Lib., 12, p. 882 dans DU CANGE s.v., t. 1, p. 668c), parce que le jour intercalaire des années bissextiles a été considéré comme funeste dès l'époque romaine (cf. AMMIEN MARCELLIN, 26, 1, 7 dans TLL, s.v. bisextus, 2013, 69). Bicêtre est issu d'un plus anc. be(s)sistre (cf.
> siste) par métathèse des voyelles, mais le -r- fait difficulté; il peut être dû à un lat. dem.-sav.
(m) accentué bisséxtile(m) (cf. FEW t. 1, p. 382a) d'apr. séxtum et donnant bessistre comme apostolu(m) > apostre ou à une infl. de tristre (var. de triste) au sens de « funeste ».
II.⇒BICÊTRE2, subst. masc.A.— Hospice d'aliénés de Bicêtre (cf. étymol.). Pensionnaire de Bicêtre (BRUANT 1901).— Loc. fam., vieilli. Il est bon à mettre à Bicêtre. C'est un fou. Échappé à Bicêtre. Homme déraisonnable (LITTRÉ-GUÉRIN 1892), extravagant (Lar. 20e).B.— P. méton., vx. Fripon, mauvais sujet :• J'ai dit cela à mon père qui m'a craché sa malédiction au visage, à ma mère qui s'est mise, la vieille dame, à pleurer et à baver comme cette bûche sur ce chenet. Vive la joie! Je suis un vrai bicêtre! Tavernière ma mie, d'autre vin! J'ai encore de quoi payer.HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 459.PRONONC. ET ORTH. — Seules transcr. dans LAND. 1834 et LITTRÉ : bi-sê-tr'. Ac. Compl. 1842 écrit bissêtre ou bissestre. Lar. 20e et Lar. encyclop. admettent bissêtre ou bicêtre. GUÉRIN 1892 emploie comme vedette la forme bissêtre et consacre à bicêtre une vedette de renvoi à bissêtre. Au contraire Nouv. Lar. ill., s.v. bissêtre renvoie à bicêtre. Le reste des dict. donne la forme bicêtre.Emploi p. méton. du nom du château de Bicêtre, (commune du Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne) successivement hospice, prison, asile d'aliénés, situé dans la région parisienne, ainsi nommé par corruption pop. du nom de son propriétaire au XIIIe s., Jean, évêque de Winchester en Angleterre, devenu Vinchestre, Bichestre, Bicêtre; le recours à l'infl. de bicêtre1 pour expliquer le passage de V à B (FOUCHÉ, p. 568) ne semble pas nécessaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.